Nomadisme et soupçons d’espionnage
Victimes d'un stigmate centenaire, les Tsiganes ont longtemps été perçus comme un peuple d'asociaux, au mode de vie délibérément marginal. Dans l’entre-deux-guerres, le seul fait d'être Tsigane constitua un élément suffisant pour être soupçonné d’espionnage et de trahison :
Au seuil des années 30, la crise économique mondiale de la Grande Dépression frappa de pauvreté tous les groupes sociaux d’une manière qui pourrait être qualifiée d’indistincte, mais qui fit inévitablement tomber dans l’extrême précarité les couches de population déjà marginalisées. Petit à petit, ajoutant à l’acharnement de longue date par l’administration centrale et à l’exacerbation politique de leurs différences culturelles, le dénuement qui a frappé les Tsiganes finit de les discréditer aux yeux du reste de la population. Rapidement, ils se virent attribuer l’image d’« ennemis de la nation », ou d’ennemis de l’intérieur. Ce préjugé relayé de toute part s’est répandu comme une traînée de poudre et ses effets ne se firent pas attendre. En Allemagne et dans des pays liés au peuple allemand, l’arrivée des Nazis au pouvoir en 1933 s’est rapidement suivie de mesures de ségrégations raciales à l’encontre des Roms. En France et en Allemagne, entre autres, les groupes nomades furent suspectés d’espionnage, et placés dans des camps d’internement. En Hongrie, ils furent contraints à la sédentarisation et leurs caravanes et carrioles furent saisies pour l’armée. Dans l’entre-deux-guerres, il était déjà question dans le parlement hongrois d’enfermement dans des camps de travail et de stérilisation. En République Tchèque, une loi de 1927 est passée pour restreindre la circulation des Tsiganes. En Autriche, en 1926, les autorités ont collecté les empreintes digitales de tous les Tsiganes au-dessus de 14 ans, menant à la constitution d’un fichier de 8000 personnes.