Initialement construite en 1756 sur ordre de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche à des fins militaires, la Caserne Dossin a connu des affectations variées au fil des décennies. Pendant la seconde guerre mondiale, elle est transformée en « Sammellager » : un camp de transit pour les Juifs et les Tsiganes.
Les Tsiganes internés à Dossin vécurent dans des conditions d’insalubrité inimaginables :
« A la caserne Dossin à Malines, les Tsiganes vont vivre un ou deux mois selon les cas, dans des conditions effroyables. Enfermés dans trois salles au fond de la cour, dépouillés de tout, totalement isolés et de l’extérieur et des prisonniers juifs, ils n’avaient droit qu’à deux heures d’air frais par jour. Tournant en rond sous la menace de mitraillettes, ils étaient conduits par trois violoneux auxquels les instruments étaient repris la promenade finie. Des coups de fouet dans les reins punissaient les mères dont les enfants en bas âge salissaient la paillasse. Mais les chambres étant démunies de lieux d’aisance, les détenus chargés, après le départ, du nettoyage, découvrirent dans une odeur pestilentielle les dalles couvertes d’excréments. Dans ces conditions d’hygiène impossibles, un enfant né à Malines mourut en quinze jours » (Gotovitch 1976, p. 175).
La situation centrale de la caserne (exactement à mi-chemin entre Anvers et Bruxelles, où vivent la plupart des Juifs), les voies ferrées passant juste à côté et sa structure fermée en font un centre de déportation idéal pour les nazis. Entre juillet 1942 et septembre 1944, 25 274 Juifs et 354 Tsiganes y sont rassemblés pour être envoyés à Auschwitz-Birkenau et dans d'autres camps plus petits. Deux tiers des déportés sont gazés dès leur arrivée. Au moment de la libération des camps, seuls 1395 d'entre eux sont encore en vie.
C’est de la caserne Dossin qu’est parti le « Convoi Z » du 15 janvier 1944, emmenant 351 Tsiganes vers l’extermination. La plupart d’entre eux étaient de nationalité belge et française. Ils furent entassés dans des wagons à bestiaux avec une boule de pain comme seule ration pour les deux jours de voyage vers Auschwitz. Sur ces 351 personnes, seule une dizaine revint vivants du camp de la mort.
« Au 6 décembre 1943, Malines enferme 166 Tsiganes dont l’arrestation a été opérée en Belgique et dans le nord de la France. Trois jours après se présentent aux portes de la caserne les 182 victimes qui complèteront le convoi » (Bernadac, 1979, p. 142).
« Le 15 janvier 1944, les 351 Tsiganes détenus furent enfermés dans les wagons à bestiaux, dotés d'une unique boule de pain et ne revirent la lumière, mourants de faim et de soif qu'à Auschwitz le 18 » (Gotovitch, 1976, p. 176).
Le convoi Z du 15 janvier 1944 est l’un des seuls événements à avoir été documenté au sujet des persécutions des Tsiganes en Belgique pendant la guerre. Leurs noms, prénoms, dates et lieux de naissance avaient été rassemblés par l’administration de la caserne pour constituer ce qui s’appellera la Liste der Zigeuners.
« L’examen du convoi du 15 janvier 1944 fait apparaître quarante-trois Tsiganes identifiés comme Belges à Montreuil-Bellay. Seize autres – neuf adultes et sept enfants – n’y figurent pas, sans que l’on sache comment ils ont réussi à échapper aux rafles » (Heddebaut, 2018, p. 82).
Références :
- Bernadac, C., (1979). L’Holocauste oublié. Editions France-Empire.
- Gotovitch, J., (1976). Quelques données relatives à l’extermination des Tsiganes. Cahiers d'Histoire de la seconde guerre mondiale, IV, 1, pp. 161-180.
- Heddebaut, M., (2018). Des Tsiganes vers Auschwitz. Le convoi Z du 15 janvier 1944. Editions Tirésias.